Faux espoirs de poudre au Pertuis

le 27 janvier 2016 , par Antoine GABRIEL , 1958 vues

Une semaine après un festif WE d'inté baigné de soleil et de poudre du Champsaur, on se retrouve ce samedi matin côté Belledonne avec Matt et Chris en encadrants, Mickaël, Pierrot et moi. Avec comme idée de tenter le joli couloir du Pertuis, un large 4.1 de 800m de long à l'ombre, probablement encore en pleine poudre...

Départ du parking. Matt en split, nous autres en snowboard (oui, ça chambre d'entrée je vous préviens).

Début de montée bien bâchée, à patauger dans la transfo pas regelée. Mmm. Bon ça va on n'est qu'à 1000m.

Le Matt ouvre fièrement la trace, élégant et aérien, avec ses faux skis poilus il glisse sur la neige, c'est tellement beau qu'on commence à se dire que nous aussi, un jour, on se verrait bien en split, avec une polaire Patagonia et des barres énergétiques.

On progresse gentiment en espérant l'éclaircie.

Mais fin de la rêverie, on arrive au pied du couloir, découverte d'un champ de boulettes que n'aurait pas renié doc Gynéco, et qu'on ne reniera pas non plus.

On se pose quand-même, histoire d'hésiter un minimum. Le double but précédent et le timing serré, deux raisons absolument pas objectives, nous incitent à poursuivre plutôt qu'à repartir vers une hypothétique « la poudre est toujours plus légère ailleurs ».

Plus sérieusement, les condices sont pas folichonnes pour le ride mais relativement sécures. Les coulées dans la pente comme dans les contre-pentes ont tout emporté. Il reste un mélange de toboggan béton et de transfo regelée assez épaisse. Youpi...

On attaque le couloir. Histoire de rester motivés je nous cale une petite playlist électro sur mon téléphone à fond. Ambiance dancefloor, ça motive.

La pente se raidit, on prend quelques espaces, plus pour le principe parce que là c'est dur de chez dur tout est rincé. Mais bon, la Sécurité d'abord.

Matt commence à galérer en split.

L'ambiance se tend un peu plus. Je coupe un excellent Coldplay pour laisser place au silence et à la gamberge. Le vent gelé dévale la pente et nous oblige à décider rapidement. Les chamois nous observent du haut des crêtes en nous balançant des petites boules de neige les coquins. On est bien dedans, là. Les skieurs nous ont lâchés depuis le bas et sont partis vers Comberousse. Les condices sont pas funky pour descendre, mais correctes pour monter. On continue.

Chris prend la trace, tire en raquettes un improbable direct pleine glace bien déversant sous prétexte que ça monte efficace (j'ose pas faire remarquer qu'en cas de rippade ça doit descendre efficace aussi).

2000m. Toujours pas de poudre.

Matt galère vraiment en split.

Et le petit point en bas c'est qui ?

On continue jusqu'à un gros bloc pour attendre Matt qui grimpe à la vitesse de la lumière éteinte. Il passe du split aux crampons puis re-au split re-aux crampons etc. Tous les 3 pas il s'arrête. Il lui reste 92 lacets pour nous rejoindre... On se les gèle en admirant la paroi d'en face baignée par le soleil et se foutant bien de lui, histoire de se réchauffer. Pierrot m'annonce fièrement 20 minutes pour déboucher jusqu'au col (ce sera 1h30). Matt nous voit freezer sur place et veut pas qu'on l'attende. Mais bon, après ses deux buts ici-même les années précédentes, et surtout parce qu'on a bien envie de continuer à le chambrer, on le motive pour aller au bout avec nous.

On reprend la trace, cette fois la poudre est bien là, mais croûtée genre crème brûlée, juste comme il faut pour achever nos derniers espoirs de belles courbes.

Chris, grand prince, me laisse l'immense bonheur de brasser les 100 derniers mètres. Au moins ça me permet de cracher qqes bouts de poumon et de me réchauffer.

Arrivés au col à 2360, le panorama de l'autre côté est grandiose (on croit voir le Makalu, mais pas sûr).

On se prépare tranquillement. On est prêt (sauf Matt bien sûr - la clope, cette fois).

Le grand moment approche. Pas question de descendre tous ensemble. On oublie les courbes à Mach 12 et on se concentre. Pas question de tomber sous peine de fuser dans la pente comme un pet sur une toile cirée.

Chris ouvre sur 200 mètres. Les changements de neige se font bien entendre sur son passage. Mais ça semble jouable.

On s'engage à tour de rôle. Perso j'ai le piolet en main quand-même. Premiers virages. En forçant les appuis on arrive à briser la croûte et se caler dans la poudre. Parfois même un peu de fraîche en rive gauche, restée à l'ombre les jours précédents. Pas si pire.

La dureté de la neige par endroits accentue gentiment la sensation de raide. Des virages sautés en appui sur le nose (ouais, je me la pète un peu) permettent d'enchaîner plutôt fluide. Finalement c'est assez sympa de devoir s'appliquer et sentir les variations de neige. C'est jamais ultra-raide (40° max) et du coup on arrive à engager de bonnes séquences de virages. Même si on rêverait tous de le tracer en 4 courbes dans 80 de peuf, finalement on s'éclate bien.

A la fin d'une traversée Chris se loupe, bascule de face dans la pente et nous fait une belle démo de sa technique du javelot lyonnais (plongeon tête la première dans la neige). Efficace, rien à dire. Bon en revanche, je demande à voir sur la glace...

A mi-pente, on trouve un peu de peuf entre les vernes qui nous évitent de galérer dans le champ de boulettes. Encore qqes virages sympa, sur du bois cette fois pour changer.

Fin du couloir, toujours à l'ombre du coup on s'arrêtera bouffer plus loin.

Le héros du jour

On retrouve notre transfo bien lourde. Y'a pas bézef, et les pièges sont nombreux pour le petit surfeur qui veut s'enflammer.

On croise des skieurs qui nous confirment que le reste du secteur était aussi tout pourri. Ca nous fait chaud au cœur !

La forêt est une purge. Une ornière béton inridable pleine de cailloux et sur les côtés une transfo pas épaisse recouvre un banc de requins (et d'oursins même, si,si). Ca me rappelle Sharknado (le 1, j'ai pas vu le 2), cet excellent film où une tornade siphonne la mer de tous ses requins pour les recracher sur une ville et où les habitants se défendent avec des tronçonneuses.

Bref, après ce supplice pour les boards et les nerfs, retour au calme, on se cale pique niquer à l'orée de la forêt, de nouveau dans le brouillard et donc pas gênés par le soleil.

Matt est à deux doigts de nous lâcher son split pour 5 euros, port compris. Mais personne n'en veut.

On rigole, pas fâchés d'en terminer et d'avoir rentré ce fameux couloir.

On se sera bien marrés quand-même. Content d'avoir ridé le Pertuis en conditions Guenilles. Un bon entraînement technique et un repérage pour une prochaine fois. D'autant qu'en rentrant à Saint-Hil je me suis aperçu que je vois le couloir depuis ma fenêtre ! A surveiller, donc...

Merci à Matt et Chris pour cette belle sortie et pour avoir supporté/partagé nos délires.

Antoine

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