Full house du président aux sultanes

le 8 mars 2017 , par Aurélien PERSONNAZ , 1184 vues

Les mines étaient sombres en ce premier jeudi soir de mars. Ce week-end était loin de s'annoncer sous les meilleurs augures, une météo maussade, du vent à décorner les chamois, et une neige désertant nos contrées à vue d'œil.
Quelques guenilles désabusées, n'ayant pu résister à l'appel de la tireuse, cherchaient désespérément une solution à ce problème insolvable : éviter des heures de portage sans se risquer à l'autre bout des alpes pour finir sous une pluie battante.

Après plus de bières que de propositions, notre cher président nous annonça son audacieux coup de poker : sa sortie serait dans le Vercors ou ne serait pas.
Après avoir rigolé un peu, mis ça sur le compte de la bière, réfléchi à si oui ou non cela vaudrait le coup d'emmener son snow, nous réalisâmes que la logique n'était pas si mauvaise.
Plus précisément, le plan était de partir tôt le dimanche matin, pour profiter d'une petite fenêtre météo après une chute prévue le samedi, et d'aller à Prélenfrey sur la barrière est du Vercors. Des comptes rendu datant d'une semaine indiquaient peu ou pas de portage, et la proximité de Grenoble limitait le risque de perdre complètement sa journée.
Bon ça c'était le plan, si ça foirait, on était sûr de galérer dans la boue de la forêt sous la pluie pour aller rider des cailloux...

Après maintes discussions, les hommes de peu de foi partirent avec Jésus pour le Rissiou (ou le contraire?), et nous partîmes à quatre pour le couloir des Sultanes.
Mounir, apprenti chef, fut nommé chef pour l'occasion, soutenu (enfoncé) par le grand chef lui même, et accompagné par deux boulets : Michael et moi.

Après un rendez vous à 6h30 qui piquait un peu, une première bonne surprise en arrivant sur place, on se croirait en hiver, c'est tout blanc et il fait super beau.

On part tranquillement pour la montée, Mounir prend son boulot à cœur et fait ça bien, on chausse immédiatement et la neige sur la route laisse à penser qu'on pourra redescendre à la voiture sans marcher.. inespéré !

La montée dans la forêt se passe sans événement notable, à part la rencontre d'un être étrange, un skieur en combinaison intégrale, nous promettant un couloir tout pourri entre boulette et pierres qu'il aurait je cite : « ravagé » (en réalité il a godillé de haut en bas... nous on l'a ravagé :)

Pas refroidi par cette rencontre étrange, nous continuons notre route et atteignons le pied du couloir. Le soleil est radieux, les rochers magnifiques, bref, on est contents.

On attaque en raquettes, mais la couche de 15 cm de neige fraîche déjà alourdie a tendance à glisser sur un fond plus dur et nos deux chefs nous proposent donc (ordonnent?) de cramponner.

Sûrement dépassé par la pression monstre que lui fait subir le grand chef, et profitant de ce moment d'inattention, le chef essaya discrètement d'enterrer la carte du grand chef sous la neige de manière à se délester d'une partie de ses responsabilités. Ce plan machiavélique fut fort heureusement déjoué et le chef pu continuer de lire la carte... oui... dans un couloir.

Ce fut aussi l'occasion pour moi de chausser les magnifiques crampons tchèques gracieusement prêtés par notre président. La légende raconterait qu'il les aurait échangé avant la chute du mur à Berlin Est contre quelques cassettes de Claude François et une boite de Pringles. En réalité ça me donne une excuse pour faire oublier mon temps de passage des raquettes aux crampons digne d'un spliteux manchot.

Bref, la montée dans ce magnifique couloir se passa parfaitement. On ne sortira pas à cause d'une corniche franchement moche perchée au dessus de rochers à l'air pas très sympa.

La descente fut ma fois fort plaisante. Nous entendîmes quelques voix dissonantes dire que « Oui c'était pas mal mais c'était pas ouf non plus ». Ce à quoi il leur fut répondu qu'ils ne diraient pas ça si ils revenaient de huit ans de ski. Après il est vrai qu'avec un peu de recul, ne faire que du ski pendant huit ans, ça fait un peu penser à 50 nuances de je ne sais quoi...

On arrive en bas du couloir relativement tôt, il fait encore très beau et personne ne traîne les pattes, du coup on décide de repartir pour le couloir des torcheurs du matin, qui est (sensé être) la prochaine à gauche.

Après un court moment de doute en bas du couloir, nous attaquons dans (ce qui semble être) le couloir. Le grand chef passe devant, suivi par le chef et leurs deux boulets.

Le couloir, étant sensé être un peu plus raide et étroit que le précédent, se redresse assez rapidement, et se resserre encore plus rapidement...

C'est en voyant le grand chef commencer à crapahuter sur un petit « verrou » de deux mètre d'herbe et cailloux, que nous comprenons qu'il s'agit en fait d'un 4.1 « présidentiel », ce qui correspond un peu au 49:3 de la cotation : c'est le président qui décide...

Après ce passage nous sommes tous à peu près sûrs que le couloir était en fait la deuxième à gauche, et nous montons encore une cinquantaine de mètres avant d'être bloqués.
Nous chaussons dans ce très joli couloirounet entre deux magnifiques falaises et attaquons la descente.

Il est à noter que, dans un élan de générosité et pour se faire pardonner son 4.1 « présidentiel », notre président a gracieusement offert son piolet à Michael qui avait oublié le sien. Michael était quand à lui tellement large qu'il a décidé qu'il n'en ferait rien, et est parti en le laissant en haut du couloir. Tout cela a permi à Mounir de préparer son stage initiateur surf alpinisme cascade de glace comme il se doit en descendant avec ses deux piolets.

(va falloir tourner la tete j'arrive pas a tourner la photo)

Le passage un peu délicat du verrou sera facilité par un bout de corde passé autour d'un rocher et sera l'occasion de quelques cascades impressionnantes.

Une fois en bas du couloir, le temps commençait à tourner légèrement, nous avons donc directement enchaîné sur le fameux « pierrier sans sous couche » qui est mieux passé que prévu, et la traditionnelle sanglionade qui nous a permis de gouter à tous les plaisirs de la forêt de Prélenfrey, mousse, lichen, bois, pierre, c'était délicieux.

Et enfin après un petit entretien gratuit des carres sur la route à la fin de la descente, nous avons eu juste le temps de boire un petit apéro avant qu'il ne commence à pleuvoir.

Timing parfait, on a bien rigolé, joli coup de poker présidentiel !

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