Ma première sortie CAFGO vraiment faite ensemble (« CSV incluse »)

le 19 décembre 2023 , par Frédéric DARBOUX , 844 vues

 

Pratiquant la cartographie systémique des vigilances (ou « CSV ») dans mes préparations de courses depuis 5 ans, nouvel encadrant ski de randonnée alpine au CAFGO, j'avais envie d'aller plus loin et de reproduire ce que je fais pour les sorties avec les copains : Faire ensemble, du début à la fin. Je vous propose donc mon retour d’expérience sur la première sortie en ski de randonnée que j’ai organisée au CAFGO en mode « Faire ensemble ». Notez que la même démarche peut s’appliquer à toute activité d’encadrement de groupe, que ce soit avec ou sans neige, avec ou sans skis.

La CSV, c’est quoi ? https://www.paulogrobel.com/csv-etapes/

Le « Faire ensemble », c’est quoi ? https://www.paulogrobel.com/faire-ensemble/

La préparation

La course commence à la maison, au moment de sa préparation. Beaucoup d'encadrants (dont moi) les font seules, en utilisant la CSV (dont moi) ou un autre outil. Mais pourquoi ne pas faire cela ensemble, avec nos compagnons de course ? Idéalement, cela serait la veille au soir autour d'un pot, mais ce n'est pas facilement réalisable (sauf si l'on est en refuge par exemple). Alors pourquoi pas en visio ? C'est ce que j'ai testé avec les inscrits de ma sortie du samedi 16 décembre.

Ma sortie ? Bon, au moment de sa publication (le lundi), la météo était à de fortes pluies sur la région (jusqu'à 2000 m), et il était prévu que cela dure jusqu'au jeudi. Difficile d'annoncer quelque chose de précis … et de crédible. Du coup, le titre mentionnait simplement « Ensemble dans les Grandes Rousses ? 300m/h - 800 m ? » (notez les points d’interrogation). La description précisait que les infos seraient mises à jour au fur et à mesure, avec une course définie probablement le jeudi soir. Il y était aussi annoncé une visio de préparation en mode CSV le vendredi soir. Bref, une annonce très floue dans la destination, mais assez claire dans ses modalités d'organisation (est-ce que cela va convaincre quelqu'un de venir skier avec moi ?).

Les inscriptions se sont ouvertes le mercredi à 18h00. À 18h02, mon groupe était constitué (première leçon : ne plus avoir peur du flou).

Le jeudi, les choses se précisent niveau météo, enneigement et risque d'avalanche. Il semblait même possible de sortir plus près, en Belledonne ou Taillefer. N'aimant pas les itinéraires très fréquentés, je décide de poursuivre pour les Grandes Rousses (oui, j’ai décidé tout seul --- oui, je peux améliorer mon faire ensemble). J'identifie plusieurs possibilités avec le dénivelé prévu et un départ assez haut :

  • La Croix de Cassini depuis Auris-en-Oisans
  • Le Petit Têt depuis Le Chazelet
  • Le col du Galibier depuis le col du Lautaret
  • Le Signal de La Grave depuis Les Hières.

Lequel de ces quatre ? Hmmm… Et pourquoi ne pas demander à mes comparses ? Le sondage en ligne est lancé le jeudi soir. Résultat le lendemain : Le Signal de La Grave et la Croix de Cassini arrivent à égalité. Ah zut ! Faut-il que je tranche ? Oui, je peux. Mais nous sommes partis sur du « Faire ensemble », alors, continuons dans cette voie : on décidera en début de visio, voilà tout.

Le soir même, à part une personne (qui avait prévenu dès son inscription), tout le monde est à l'écran à 20h. Durée prévue : 30 minutes (gardez ce chiffre en tête...). Point particulier : la discussion se fait en anglais : un des comparses a une maitrise limitée du français, mais, par chance, nous sommes tous capables de converser suffisamment en anglais, même si les termes techniques du ski de randonnée nous manquent parfois (note à moi-même : il faut que je m’améliore là-dessus aussi). Nous commençons donc par nous choisir un projet de course : quelles différences entre les deux options ? Le niveau de risque ? L'orientation ? La distance en voiture ? Il y a du pour, il y a du contre, mais rien de tranché. C'est l'un des comparses qui prend la parole pour nous inciter à prendre une décision. Décision prise dans la foulée par consensus : ce sera le Signal de La Grave depuis Les Hières. Et c'est bien ainsi le « Faire ensemble » : chacun à la parole, dans le respect des autres. Dans les principes du Faire ensemble, l’encadrant ne fait pas tout (au bout de 10 minutes de visio, je sens déjà que cette course prend une bonne dynamique !).

Aparté : pour mon premier Faire ensemble au CAFGO, le point de départ sera donc le lieu de vie de Paulo Grobel, le promoteur de la méthode, et là où il m’y a formé. Beau symbole, non ? Dommage pour nous, mais Paulo n'est pas là, car justement en train de former des encadrants du CAF  à la CSV et probablement au Faire ensemble (Marie : à ton tour de nous faire un petit Rex !).

Nous passons à la CSV. Les participants présents n'ont jamais utilisé cet outil. Je leur précise que la visio de ce soir ne sera pas une formation à la méthode, mais une simple utilisation : on doit remplir des rubriques (dont j'explique l'intérêt) nous permettant de réunir et de partager un maximum d'information sur notre projet de course : de décider en premier lieu si le projet est faisable ; puis de tout le reste (matériels à emporter, tracé envisagé, points de décision, modes de vigilance, horaires, etc). Après le BERA et la météo, nous vérifions que nos états de forme et nos attentes sont compatibles ; et elles le sont ! Parmi nos inquiétudes (oui, on parle aussi de ça !), le risque d'avalanche ressort pour plusieurs comparses. C'est pris en compte lors du tracé ; et je précise que nous évoquerons ce sujet à plusieurs moments dans notre journée commune (comment aurais-je pu anticiper ce point à partir de mon habituelle préparation solitaire ?). L'heure de départ, le lieu de rendez-vous et les voitures sont décidés en dernier. 3x4 « maison » fait (sans jamais avoir prononcé cette formule magique). Bonne nuit à tous !

Notre CSV remplie en commun le vendredi soir, par visio (et en anglais).Notre CSV remplie en commun le vendredi soir, par visio (et en anglais).

Fin de la visio à 21h20. J'ai clairement sous-estimé le temps nécessaire ! (oui, j'apprends !) Au final, un peu plus d'une heure, même si l'on enlève les 10 minutes portant sur le choix de la course. Sur la base de cette première expérience, il me semble difficile de faire cela en 30 minutes. Peut-être en 45 minutes, si les participants connaissent la méthode et si je m'y suis un peu mieux préparé ? À suivre...

La réalisation

Arrivée aux Hières le lendemain matin, un peu plus tard que prévu à cause de quelques bouchons non anticipés (à mieux réfléchir la prochaine fois ! Et pour ne pas oublier : point rajouté à ma fiche-modèle de CSV). Briefing au parking : météo presque comme attendue (mais pas de signe de vent en altitude) ; neige déjà humide et un peu moins généreuse qu'imaginée, mais nous ne devrions pas avoir à porter les skis ; vérification de l'état de chaque comparse (+ état de celui qui n'était pas en visio). 3x4 « parking » fait ! Bilan : le briefing est nettement plus court ; il est efficace. Ce ne devrait pas être une surprise, puisque la majorité de mes comparses en savent déjà autant que moi, mais c’est agréable de le constater pour de vrai !

Allez, on chausse et on y va !

Montée sur le premier versant. On est en mode « Vert », chacun peut faire la trace à son tour, prendre des photos, etc. Passage d'une petite corniche (comment dites-vous corniche en anglais ?) qui nous paraissait géante 10 minutes plus tôt. La crête est large et suffisamment enneigée ; le groupe est en forme ; le vent est absent. Ce point de décision nous amène à un choix simple : on poursuit pour le Signal de La Grave. 3x4 « terrain » fait.

FaireOuSuivreLaTrace2

« Suivre la trace ou faire sa trace, telle est la question. »

Le groupe continue à discuter en avançant (en français et en anglais) ; c'est que ça va plutôt bien. Arrivée au Signal de la Grave. Un peu de fatigue pour certains ; toujours pas de vent ; toujours de la neige. Décision : on poursuit sur la crête pour aller déjeuner. 3x4 « terrain » refait.

PretPourEntamerLaDescenteMes comparses d’un soir et d'un jour, prêts pour la descente.

De là, mode descente. Une neige poudreuse très agréable à skier ; des participants qui font de jolies traces ; des consignes faciles à passer ; des pauses régulières ; des 3x4 « terrain » réguliers. La neige s'alourdit un peu vers le bas, sans être désagréable. Nous devons cependant chercher notre chemin pour rester skis aux pieds jusqu'au Hameau de Valfroide. Retour par le chemin, peu enneigé, mais suffisamment pour limiter le portage. Nous reprenons la route pour y terminer notre 3x4 dans un bar de La Grave (Hé, Paulo, un seul bar d'ouvert ?!?). Chacun s'exprime à tour de rôle sur ces pépites et râteaux (encadrant inclus - en auriez-vous douté ?). On poursuit la discussion sur l'intérêt de ce mode de gestion de la sortie : tout le monde en redemande, encadrant inclus ! 3x4 « bar » terminé. Autres discussions sur autres sujets... On reprend les voitures ; notre aventure d'un soir et d'un jour se termine.

Des retours d’expérience de mes comparses

Diane :
« J'ai beaucoup apprécié d'être incluse dès la préparation de la course et même son choix. Certes, cela prend un peu plus de temps puisqu'on regarde ensemble la veille la carte, la météo, le bera, les prévisions de vent,... et qu'on passe en revue la forme et l'attendu des participants. Mais une fois sur place je me suis sentie moins suiveuse. Autant en termes humain que sécurité, j'ai trouvé cette façon de faire très agréable. »

Jean :
« Je suis 100% d'accord avec toi, Diane : très bonne méthode, cette CSV, qui permet d'anticiper au maximum (sauf, comme on a pu le constater, l'encombrement routier... !) les conditions météorologiques ; nivologiques ; de "forme", pour chaque participant(e) ; de matériel, individuel et collectif.
La visio permet aussi de se mettre d'accord sur le choix de la course (étant entendu que l'encadrant(e) a préalablement, comme tu l'as fait Frédéric, proposé plusieurs "circuits"). Le top, quoi ! »

Jérôme (qui n’était pas à la visio) :
« De mon côté, j’aurais bien aimé participer à la préparation. Je trouve en effet qu’on est plus acteur dans la sortie, et moins « suiveur » (j’avais fait ce type de préparation l’année dernière en we du parcours initié). Mais hier, ça ne m’a pas trop gêné car c’était une sortie facile. Donc je pense que ça serait une bonne idée de généraliser ces préparations, avec une durée limitée (30-45mn ?). Merci en tout cas Frédéric pour cette proposition, et l’organisation de la sortie, j’ai passé un bon moment également 🙂. (Un petit bémol quand même : aller aussi loin pour un petite sortie, et sans remplir les voitures, ne me semble pas optimal au niveau écologique). »

Roland :
« Merci pour le voyage de ski. Mes commentaires sont que je pense que c'était bien de régler tous les problèmes la veille. Discuter des différents chemins possibles et de leurs risques, mais aussi connaître le programme quotidien de chaque participant. Je pense que c'est une bonne condition préalable pour l'excursion du lendemain. On peut alors se concentrer sur la montagne, sur l'expérience et se rencontrer de manière détendue. »

Mon propre retour d’expérience, et quelques réflexions

Pour moi, comme encadrant, le « Faire ensemble » me permet :

  • d'avoir un groupe dont je connais les attentes, la forme, etc., et ce avant d'arriver au départ de la course ! Cela m’assure que, dans notre tête, nous partons tous pour la même petite aventure ; et que cette petite aventure ait une bonne chance d'être réalisable ensemble.
  • d'avoir avec moi des comparses qui savent où ils se trouvent tout au long de nos cheminements. Cela peut leur permettre de me corriger si je prend une mauvaise direction. Mais, personnellement, je trouve surtout cela très important pour le jour où je passe dans une avalanche (suis-je le seul à penser à ça ? --- chacun ses peurs...).
  • d’être dans un groupe qui connait les points et les critères de décision. Cela facilite les échanges au moment où un renoncement semble probable : la possibilité est déjà connue (et pas que de moi !). Je suis sûr que si un renoncement avait dû être décidé, j’aurais eu moins de pression (oui, lors de la CSV, nous avons passé en revue les biais cognitifs) que dans mes précédentes courses au CAFGO. Le jour où je décide de renoncer, l'acceptation de ma décision sera facilitée (oui, en tant qu’encadrant, c’est moi qui tranche en dernier ressort. C’est aussi ça le « Faire ensemble »).
  • et je dois en oublier...

Pour mes comparses, et en complément de leurs témoignages, j’imagine que cela doit permettre :

  • un partage des compétences et des expériences. Par exemple, si l’un d’eux a déjà fait une partie de la course, autant profiter de ses connaissances pour mieux nous y préparer.
  • une connaissance préalable des autres membres du groupe (peurs, attentes, forme, etc.), par tous. Cela devrait favoriser une bienveillance commune, et permettre d’anticiper les réactions (ou non-réactions) de chacun.
  • une connaissance préalable de la topographie, de la nivologie et de la météorologie attendues.
  • une connaissance préalable des plans C, B, A.
  • une connaissance préalable des points de décision et des modes de vigilances.
  • une montée en compétences.
  • une inclusion dans un groupe où l’encadrant n’est pas le maître de tout à bord, et où tout le monde est en responsabilité, chacun à son niveau.
  • à vous de compléter...

Mes comparses ne sont plus des suiveurs, mais des personnes engagées avec moi dans la sortie. Les décisions sont plus simples à prendre et à expliquer, plus faciles à admettre. Bref, ma vie est plus agréable, ce qui est un point essentiel. Point encore plus essentiel : cela va vers l'amélioration de ma première préoccupation : la sécurité (dont ma sécurité !).

Au final, cette course m’a beaucoup appris (et j’adore apprendre !). À partir de maintenant, je vais proposer cela à chaque fois. J’ai discuté avec mon groupe : cela leur conviendrait si certaines sorties étaient floues (mais en précisant aussi le niveau de difficulté maximum), et d’autres bien ciblées. Pour l’instant, j’envisage de laisser le choix aux inscrits de participer à la visio ou pas pour les sorties avec une faible cotation. Par contre, pour des sorties avec des cotations plus importantes, je pense que la visio sera obligatoire : ce sont des sorties où je suis plus près de mes limites, et la préparation commune devrait me permettre de descendre d’un cran en termes de disponibilité de mon cerveau (un outil que j'utilise de préférence au trio DVA-pelle-sonde).

Enfin, je tiens à remercier très chaleureusement Diane, Jean, Jérôme, Philippe et Roland pour leur participation très active. Je ne suis pas sûr que vous ayez réalisé dans quoi vous vous lanciez au moment de cliquer pour vous inscrire. Chers comparses d’un soir et d’un jour, j’espère qu’à la lecture de ce retour d’expérience vous mesurerez à quel point votre participation bienveillante a été d'une grande aide pour moi dans la réalisation de ce test grandeur nature !

À bientôt pour une nouvelle sortie faite ensemble !
D’ici là, j’ai plein de trucs à améliorer.

Evénement lié : 2023-12-16 - Ensemble vers le Signal de la Grave depuis les Hières - 300m/h - 800 m
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