POULIDOR PREND LE MAILLOT JAUNE !!!

le 16 novembre 2023 , par Pierre POISSON , 745 vues

POULIDOR PREND LE MAILLOT JAUNE !!!

Depuis toutes ces années, on ne l’attendait plus. Il est entré dans la légende des Guenilles comme l’éternel second, comme celui qui a tout pour recevoir la récompense suprême - la Guenille d’Or, mais toujours échoue à des places d’honneur. La saison dernière, il s’en était encore fallu de peu, la faute à des orateurs mal inspirés au moment de conter ses exploits. Mais cette saison pourrait être enfin la sienne. Dès la première étape sur les pentes de Chamrousse, Fabien a frappé un grand coup : il prend le maillot jaune avec une avance si énorme que ses challengers risquent maintenant de devoir se contenter d’accessits. La marque d’un grand champion !

(un reportage de nos envoyés spéciaux Alexandre, Gilles et Pierre)

C’était une étape de début de saison, dont personne ne se méfiait tant elle semblait anodine : un onze novembre, partir de Bachat-Bouloud pour tricoter autour de la Croix. Certes les requins habituels de début de saison pouvaient pimenter un peu la course, mais tous pensaient facilement les éviter, n’occasionnant que quelques estafilades vite réparées dans les soirées « fartage et entretien ». En bref, tous les commentateurs s’attendaient à une sortie sans histoire, qui n’apporte rien de significatif au classement général de la Guenille d’Or. Mais c’était mal connaître Fabien et sa volonté de revanche. Sa grande offensive débuta peu après le virage de Casserousse, lorsque sa mythique Prius commença à patiner sur la neige tombée pendant la nuit. Il nous avoua alors être chaussé de
pneus 4 saisons, mais seulement à l’arrière, l’essieu moteur étant pourvu d’une paire de pneus tout à fait lisses. Et pour mettre toutes les chances de son côté, il avait également pris soin de laisser les chaînes chez lui. Toutefois son attaque ne fut pas fulgurante : il passa sans trop d’encombre le premier crux de la route, le fameux virage où tant de parisiens sont restés en carafe.

Deux virages plus loin, première escarmouche : nous avons dû tous descendre pour pousser. Finalement, c’est passé, même s’il nous fallut relancer la deuxième voiture qui avait dû s’arrêter derrière lui. Arrivés au rond-point de Recoin, alors que la séquence glissade se poursuivait allègrement, Fabien décida de poursuivre vers Bachat-Bouloud où nous avions rendez-vous avec Pierre. Et ce fut dans la jonction que se joua une séquence décisive de la sortie : Prius en travers, pousseurs impuissants sur l’asphalte verglacé, véhicules de Grelous goguenards dépassant superbement ce qu’ils crurent être des voitures de touristes faisant chicane en plein virage. Pour permettre à Fabien de poursuivre ses exploits, Pierre vint à sa rescousse avec une superbe action : un somptueux largage de chaînes à neige sans arrêter l’avancée de son camion. Comme quoi, même si le guenillage doit beaucoup au talent individuel, les stratégies d’équipe comptent aussi !

Finalement tout le monde convergea au parking. Mais alors que notre champion avait déjà pris une avance suffisante pour bien figurer au palmarès, il décida d’assommer la concurrence étant donné son pic de forme. Alors que la plupart des snowboarders avaient choisi de monter en raquettes, la fixation plastique de celles que Fabien avait emportées était rompue. Impossible de les fixer à son pied ! Aussi improvisa-t-il un brêlage avec des
sangles, ce qui laissait présager de nouvelles péripéties.

Cela ne manqua pas, avec la torsion de la plaque métallique soutenant sa chaussure, puis la rupture de la seconde fixation. Tant et si bien qu’au bout de l’effort, il parvint au sommet les raquettes pendant au bout de ses bras en Croix. Pas rassasié, il enfonça le clou en descendant aux Lacs Roberts, puis en tentant la remontée dans les raides pentes du Col des Lessines avec ses fixations de fortune. Ce qui devait arriver arriva : déchaussage, brassage, suée, essoufflement… La descente finale n’aurait pas dû lui apporter de nouvel avantage, mais il trouva moyen d’en rajouter en prenant le rôle de serre-file et en oubliant un skieur derrière lui (il est vrai qu’il pouvait facilement être camouflé par la foule peuplant ce jour-là les pistes de Chamrousse). Ces performances époustouflantes ont éveillé les soupçons de concurrents aigris qui demandent un contrôle anti-dopage. Pour notre part, nous sommes sûrs du fair-play de notre champion. On ne peut que s’incliner devant tant de classe, de créativité et de constance dans un guenillage auquel personne ne s’attendait. Les concurrents sont tous avertis : en ce début de saison, Fabien a placé la barre très haut. Peut-être n’est-il pas nécessaire d’essayer de l’égaler ?

GILLES DIEUMEGARD