Galère au Galbert

le 4 février 2016 , par Daniel DECRUPPE , 2059 vues

J'entends déjà les mauvaises langues, les pousses mégots, les traine savates, les caves et les grandes bouches brocarder que je ne sais pas skier, que j'aurais dû rester en snowboard ou alors passer sur un split, j'ai même cru entendre, l'espace d'un instant, un « Pas de Borgia à l'office ».

Persifleurs, je ne suis pas skieur pour les copains et je peux être teigneux comme un chien.

J'entends aussi le murmure des amis, des frères, des guenilles qui m'ont soutenu, secouru, réchauffé, gardé éveillé, parlé, fait rire, protégé du vent et du froid, tenu la main et on veillés sur moi durant l'attente du PGHM, alors que ma jambe droite semblait démembrée et que le froid m'engourdissait.

J'entends enfin la tristesse de mes enfants et de Stéphanie quand ils m'ont vu alité, la jambe opérée, dans le plâtre, le drain rempli de sang, le visage fatigué, épuisé par les antalgiques.

La journée s'annonçait parfaite pour un dimanche de Janvril, cette période de l'hiver, mélange de Janvier et Avril, que les anciens n'ont jamais connu, ces journées ou l'on cherche les pentes au soleil pour glisser sur de la moquette « Poils longs » en plein hiver. Une belle promenade au soleil attendait le groupe de skieurs et de surfeurs, le neige était au rendez-vous, certes en quantité modeste mais assurément suffisante pour skier jusqu'au parking.

Après environ 3 heures de montée, le groupe s'est arrêté sur un replat, environ 400m sous le sommet du Grand Galbert. Soleil, picnic, bonne ambiance de guenilles détendues comme on les affectionne particulièrement.

Exercice de recherche multivictimes pour les nouvelles guenilles et les anciennes aussi, rappel des consignes et méthodes de recherche ainsi que l'appel au secours.
13H30, le groupe s'équipe et se prépare à la descente. On envoie de jolies courbes dans une neige a peine transformée, à la limite entre la poudre tassée et la moquette de Janvril.

Arrivé à 600m de la voiture environ, Jérôme prend un petit groupe pour suivre l'itinéraire principal et moi-même un second groupe pour descendre un mini couloir où j'espère trouver de la poudre. La neige est tassée, pas désagréable à skier mais finira ravagée par le passage de 5 personnes avant moi !

Cyrille me précède et manque de percuter la falaise dans un virage à gauche plutôt moisi ;-).

A la sortie du goulet, Cyrille est au sol, je passe à côté de lui sans manquer de lui glisser une petite pique puis enchaine la descente, prends de la vitesse, beaucoup de vitesse, j'aime sentir la force du vent relatif sur mon visage, un premier virage à droite, puis un second virage à gauche qui me fait très légèrement perdre l'équilibre sur l'avant du ski, je ne corrige pas ma position et aborde le virage suivant sur la spatule, le ski se bloque dans la neige trop lourde, je chute, suis projeté en avant, fais quelques roulé boulés et m'arrête dans la neige, groggy.

Je reprends mes esprits, puis sent quelque chose de mou dans la jambe droite, je pense que j'ai cassé un ski, une fixation, puis essaye de faire bouger mon pied et effectuant une rotation du genou et voit que celui-ci bouge mais que le reste de la jambe ne suit pas, je comprends instantanément que j'ai le tibia et le péroné fracturés, la douleur monte.

J'entends ma voix crier « J'ai la jambe cassée » appelez les secours.

J'entends Alexandre prendre son téléphone pour appeler le 112, Jérôme recevoir le SMS de localisation, Cyrille me porter secours, tout le monde s'approcher pour me porter soutenir et m'aider.

J'entends le bruit de la douleur qui monte dans la jambe, le crissement des os qui s'entrechoquent dès que j'essaye de bouger la jambe, l'envie subite de m'allonger et de dormir engourdi par le froid.

J'entends au loin le bruissement des avions de tourisme qui imitent celui de l'hélicoptère et crois à deux reprises que le secours arrive, en vain.

J'entends les paroles de réconfort, d'encouragements, de compassion et d'empathie de chacun, les blagues pour me tenir éveillé.

J'entends enfin le grondement de l'hélicoptère s'approcher, le son de la voix du médecin, le réconfort de me savoir entre de bonnes mains alors que l'hypothemie guette.

J'entends le son de ma voix hurler de douleur à travers les vapeurs de morphine quand le PGHM me range dans la barquette.

J'entends......et ne sens plus rien sinon la chaleur que vous m'avez apporté durant l'attente des secours.

 

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